Dans son nouveau film au casting impressionnant, Adieu Paris, Edouard Bear célèbre deux acteurs belges en même temps qu’il enterre un certain Paris qu’il ne reconnaît plus. Critique.
Les amoureux d’Edouard Bear seront peut-être surpris. Celui qui nous avait habitué à des spectacles et des films bien volontiers burlesques, absurdes et doux, revient ici avec un film d’une nature toujours enjouée, toujours rythmée, mais au goût plus amer.
C’est dans un café mythique du célèbre quartier de Saint-Germain-des-Près qu’il fait se retrouver, à l’occasion d’un « déjeuner » annuel, une brochette d’acteurs de renom (Gérard Depardieu, Pierre Arditi, Benoît Peolvoodre, François Damiens, Daniel Prevost, etc.), tous incarnant des hommes que l’on devine avoir été d’anciennes gloires du tout Paris. Repas organisé autour d’une rituel qui, s’il fut drôle par le passé, se révèle aujourd’hui douteux. A ce repas, un invité de marque est chaque année convié, pour célébrer sa nouvelle gloire. Mais cette fois-ci rien ne va se passer comme prévu…
La poésie est là mais elle est combative, la verve est toujours brillante mais elle est caustique. Depuis le décès de son très proche ami Jean Rochefort (de plus de trente ans son aîné), on devine qu’Edouard Bear en a fini avec un certain Paris qui ne semble à ses yeux n’être plus que fric et nostalgie.
On découvre des hommes qui, de trop de dérision sont devenus mauvais, de trop de largesses sont devenus pingres, de trop d’argent sont devenus solitaires. Des hommes dont les artifices et les vieilles ficelles ne prennent plus, aussi car les jeunes femmes et les jeunes gloires ne sont plus les mêmes. Il y a aussi le regard tendre posé sur la vieillesse qui se questionne et quelques sages qui ne savent plus comment dire qu’ils n’en sont plus.
Et puis, quand même, parce qu’il y a toujours avec Edouard Bear la volonté de rebondir, de partir à la rencontre de l’autre : il y a de l’amour pour le pathétique, il y a Benoît Poelvoorde, un vieux japonais silencieux, la présence forte et rassurante d’Isablle Nanty et cette dernière tirade dont nous ne révélerons rien mais qui redonne espoir, malgré tout, en tout ce qui reste à venir !
Un film aussi vitriolique qu’émouvant. Mordant bien que toujours poli. Rendez-vous au Quai 10 pour vous faire votre propre avis.
Chroniqueuse : Caroline Desvaux