Au firmament des ambassadeurs de Charleroi, Mochélan fait figure de Grande Ourse. A l’approche de la quarantaine, le chanteur et comédien prend du recul sur sa vie et nous livre, avec ReWind, un objet musical à la fois personnel et universel. L’Histoire d’un passage à vide et d’une renaissance. Un album engagé qui convoque le passé pour mieux dessiner l’avenir.

Quand Sixmille rencontre Mochélan, c’est un homme plein de projets vibrants qui arrive. Acteur du renouveau culturel carolo, Mochélan soude depuis plusieurs années, avec son collectif Poumon Noir, les maillons d’une grande chaîne de solidarité. Mais s’il fut présent au coeur de l’ambiance hivernale morose du deuxième confinement, avec l’initiative « Profil Wanted », pour resserrer les liens entre commerçants, artistes et artisans « tous dans la même galère », le premier confinement, il le passa à relire ses anciens textes…

Dans ce moment propice à l’introspection et à la convocation de nos fantômes, Mochélan semble avoir exhumé la part sombre de ses dix dernières années, dont le point d’orgue fut une dépression carabinée : « Je suis descendu aussi bas que ma ville » ! Tel Ulysse qui dût approcher les Enfers pour consulter l’avenir, l’artiste, plongé dans le cynisme à force d’impuissance devant les injustices, a eu besoin de retourner aux origines de sa contestation pour mieux évoluer.

Image
Rewind_sixmille_01-684x1024.jpg

« Aller vers hier pour donner du sens à demain »

Avec ReWind, qu’il a réalisé avec Oldjazz, Mochélan assume son « rap de vieux ». Héritier des années 90’, il clame haut et fort, dans cet album atypique, son amour pour ces textes pleins de sagesse populaire, dont il regrette la récupération économique et politique. « On a voulu nous coller une étiquette de grand frère ». C’était soit ça, soit devenir le représentant du matérialisme. « Les gamins n’sont né biesses, ils l’ont senti et se sont détourné des textes de révolte et du savoir qui était donné par le rap à l’époque ».

En replongeant dans son passé, Mochélan reprend la rage qui l’habitait mais en laisse l’amertume. Observant sa ville comme un micro-laboratoire de l’Occident, il se bat aujourd’hui pour qu’on n’oublie pas la richesse qu’a contribué à créer Charleroi, lors de la Révolution industrielle. « Mes grands parents étaient fiers, ils participaient à quelque chose, on avait un savoir-faire et une ingénierie ». Et si les usines ont disparu, les grandes richesses continuent encore à se créer sur le dos des travailleurs. Cette Histoire qu’on n’enseigne pas, il aimerait la raconter.

« Il a fallu 400 ans pour fissurer le mur de la féodalité, c’est pareil pour le capitalisme »

S’il renoue aujourd’hui avec l’utopie par l’action, c’est sa rencontre avec Dominique Ziegler, à l’occasion d’une représentation du spectacle Le rêve de Vladimir, qui fut comme un détonateur. « Discuter avec cet auteur de 82 piges, frais comme un gardon, qui me tape gentiment sur l’épaule et qui me dit en gros : tu la connaîtras peut-être pas la révolution mais fais ta petite fissure dans ce putain de mur ! Ça m’a fait un bien fou ».

C’est désormais le regard tourné vers l’avenir que celui qui a vu sa ville dépasser tous ses rêves d’évolution veut interroger la nouvelle génération de carolos sur leurs aspirations, leurs peurs, leurs désirs. C’est ce qu’il va explorer dans son futur spectacle Tenir les murs, dont il lance la préparation cet hiver. Il organisera d’abord des ateliers d’écriture dans des classes, avant de commencer le travail de mise en scène avec le Théâtre de l’Ancre et pourquoi pas aussi en tirer un documentaire…

Image
Rewind_sixmille_02-1024x1024.jpg

« Rewind, c’est une page qui se tourne »

Prémices du prochain album déjà en germe dans sa tête, le dernier titre de ReWind, intitulé Récapitulatif, ouvre sur une touche positive, annonce d’une prochaine création « très solaire, une sorte de Némésis de ReWind », qui pourrait s’intituler Rester vivant. On s’interroge alors : Mochélan va-t-il devenir Belélan ? Certainement pas. Ce nom, c’est son identité. En se souvenant de toutes les fois où la presse a écorché son nom, il rit : « c’est très représentatif de toute cette culture du beau ».

Pour ce pur produit de la « middle class » que les parents, confiants en l’ascenseur social, avaient mis dans une école bourgeoise, choisir ce nom c’était assumer ce dont il a souvent été honteux. « Dans ce milieu, pour moi, le beau était synonyme de riche ». Mais « personne n’échappe au désir de compensation, il faut juste essayer de lutter contre la tentation du matérialisme ». C’est ainsi que, même s’il craque encore sur une paire de Nike, contraire à tous ses combats (il en parlait dans sont titre Alors ouais ), il achète ses caleçons chez la marque belge éco-responsable McAlson, parce qu’il n’a pas « mille boules pour acheter des trucs fairtrade ».

« Si tu es en phase avec tes idées révolutionnaires à 100 % tu vis dans une grotte »

Ne pas tout refuser en bloc, entrer dans le monde adulte qu’il a longtemps rejeté, c’est son fils qui lui a imposé. « Si tu regardes la globalité tu abandonnes. Alors que si tu fais un peu, tu redeviens acteur ». Il lui faut aujourd’hui expliquer, responsabiliser. Contre toute forme de punition, Mochélan croit dans les vertus de la réparation. « Je veux essayer d’être la meilleure version de moi-même car c’est l’excès qui est mauvais ».

L’album de la maturité ? « Non. Car j’espère bien garder mon âme d’enfant et faire rire mon fils le plus longtemps possible ». Plutôt un album phœnix. Comme un tatouage gravé pour dire : « Je sors de ce cycle négatif ». Et c’est ce qu’il tentera d’incarner prochainement, pour le plus grand plaisir de ses fans et peut-être de ceux qui ne le connaissent pas encore, afin de nous dire à tous : « Y a pas d’avance, ça va d’aller ».

Rédactrice : Caroline Desvaux Photographie : Éric Gillard

Tu vas kiffer aussi

Numéro Complémentaire : à la mode carolo

Numéro Complémentaire : à la mode carolo

Bannière

Concert du Chœur de la Fédération Wallonie-Bruxelles : un air de Toscane

vignette

Si le cœur vous en dit : entre tradition et avant-garde

zenne quartet

Concert de Zenne Quartet : Walter Hus à l'honneur

vignette

Exposition Derry Turla : des techniques variées pour une vision unique

vignette

Rébellion : une pièce de théâtre entre passion, jeunesse et résistance

vignette

Expo Je ne m'ennuie jamais... par Alain Séchas : le chat dans tous ses états

Vignette

Avant de s’envoler : une histoire de famille

Après le féminicide - Eve-Anne HKS

Après le féminicide de Eve-Anne HKS : des témoignages pour ne jamais oublier

vignette Parallaxe

Exposition Parallaxe : deux univers aux antipodes

Vignette rassemblement

Campagne Ruban Blanc : un rassemblement contre les violences faites aux femmes

Sinia Music

Soirée de Lancement Sinia Music : entre concerts et présentation de projets

vignette

Vernissage des nouvelles expositions

Thomas

Thomas Jakubczyk de Laminoir Collectif : le jazz fusion à l'honneur

PitchCafé

Le PitchCafé au Vecteur : retour sur 6 projets ambitieux