Incursions dans l’univers de Benoit Bastin et Barbara Geraci

"Les Ɠuvres de 𝐁𝐞𝐧𝐹𝐱𝐭 𝐁𝐚𝐬𝐭𝐱𝐧 et de đđšđ«đ›đšđ«đš đ†đžđ«đšđœđą se modĂšlent, s’écrivent, se dessinent Ă  partir de leur environnement direct, celui proche du foyer, du lieu de travail, de l’atelier, des histoires qui se racontent en famille, du musĂ©e aussi, de tout ce qui construit une vie sans que nous y portions un regard attentif", nous apprend le Guide de la Visite, Ă©crit par la scĂ©nographe AdĂšle Santocono.
Intrigué par cette proposition, Sixmille est parti faire une incursion dans l'univers des deux artistes au travers d'une interview croisée. Leur exposition commune se tiendra de mars à juin 2025 au Musée des Beaux-Arts de Charleroi.

 

Benoit, Barbara, votre exposition commune démarre dÚs ce 22 mars pour une durée de trois mois. Comment vivez-vous ces derniers jours de préparatifs ?

 

Benoit Bastin (BB) : C’est la derniĂšre ligne droite, nous installons les derniĂšres piĂšces, tout est dĂ©jĂ  bien montĂ©, et on commence Ă  arriver au rĂ©sultat final.

 

Barbara Geraci (BG) : C’est un rythme soutenu, ce sont des longues journĂ©es. Un petit peu de stress par rapport Ă  l’inattendu mais en mĂȘme temps, ça prend forme et j’en suis trĂšs heureuse. Ça fait dĂ©jĂ  un peu plus de deux ans que nous sommes concentrĂ©s sur cette expo ! Ce qui est magique pour le moment, c’est que tout prend forme : les idĂ©es que nous avions en tĂȘte se matĂ©rialisent enfin. Jusqu’au bout, il y a des choses que nous ne maĂźtrisons pas entiĂšrement. On se demande si ça va fonctionner et puis, au final, nous trouvons la clĂ©, et ça fonctionne dans la scĂ©nographie.

 

BB : La scĂ©no est trĂšs prĂ©cise, ce qui est une facilitĂ© pour nous en tant qu’artistes. Le fait d’habiter prĂšs de Charleroi m’a permis de me rendre facilement au MusĂ©e des Beaux-Arts pour imager certaines piĂšces. J’ai proposĂ© plusieurs piĂšces in situ, en rapport direct avec le lieu de l’exposition. Il Ă©tait donc important d’ĂȘtre prĂ©sent rĂ©guliĂšrement dans l’espace.

 

A quoi les visiteurs doivent-ils s’attendre ? 

 

BB : Ă  l’exposition la plus automnale de ce printemps ! Nous souhaitons que l’expo touche nos personnes proches, car nous parlons de choses qui sont proches de nous. Il y a une petite pression supplĂ©mentaire d’avoir un public diffĂ©rent de celui que je pourrais avoir Ă  LiĂšge ou Ă  Tournai, par exemple. Ce sont des gens du territoire, proches de ce qu’on raconte, qui vont venir visiter l’exposition !

 

BG : Il est toujours difficile de savoir comment l’exposition va ĂȘtre reçue. Ce qui est diffĂ©rent de l’habitude, c’est que nous exposons dans notre ville natale, Charleroi, dans laquelle nous avons grandi, mĂȘme si je vis actuellement Ă  Bruxelles. J’ai l’impression que cette dimension locale touchera davantage les gens. J’espĂšre que le fait que nous venons d’ici se ressentira auprĂšs des spectateurs. J’espĂšre qu’il y aura ce cĂŽtĂ© intime, proche des gens et que ça aura un Ă©cho plus profond chez les spectateurs.

 

BB : Le titre de l’exposition est Incursions ou la persistance de l’ordinaire. Ce n’est pas juste une exposition de Barbara et moi, c’est tout un univers qui rentre au MusĂ©e, les visiteurs de l’exposition auront l’occasion d’entrer dans cette incursion, dans cette brĂšche que nous avons ouverte dans le MusĂ©e.

 

Est-ce qu’exposer au MBA de Charleroi a une saveur particuliùre pour vous ?

 

BB : Bien sĂ»r ! Il se fait que nous avons travaillĂ© avec la collection permanente du MusĂ©e pour Ă©laborer certaines piĂšces de l’exposition.

 

BG : Nous avons alors pu imaginer des Ă©chos avec ces Ɠuvres et avec l’histoire de Charleroi. A titre personnel, c’est la premiĂšre fois que j’expose dans un MusĂ©e de cette envergure. C’est diffĂ©rent d’une galerie ou d’un centre d’art, car avec la collection permanente, cela crĂ©e deux histoires, deux Ă©poques qui s’inscrivent l’une dans l’autre.

 

Benoit, peux-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours et ce qui t’a amenĂ© jusqu’ici ? 

 

BB : Je suis nĂ© dans la rĂ©gion de Charleroi et je vis toujours ici, Ă  Leernes. Au plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu m’orienter vers les arts plastiques. J’ai alors mis les moyens pour y parvenir, en passant par des humanitĂ©s artistiques Ă  l’Ecole Sainte-Anne Ă  Gosselies. Je tiens au passage Ă  faire un clin d'Ɠil Ă  l’un de mes anciens professeurs de Sainte-Anne, devenu ami par la suite : le plasticien-designer Olivier Colassin, avec qui je travaille rĂ©guliĂšrement. J’ai enchaĂźnĂ© avec l’AcadĂ©mie des Beaux-Arts Ă  Tournai, dans l'atelier de Laurence Dervaux, qui m’a permis de m’inscrire dans des pratiques pluridisciplinaires.

 

Par la suite, j’ai Ă©tĂ© laurĂ©at du Prix du Hainaut des Arts Plastiques en 2019 avec le projet "Faire Tapisserie" ainsi que du prix Sofam Ă  MĂ©diatine en 2023 et de prix du public au Prix Jeune Sculpture de la FWB au Centre Wallon d’Art Contemporain Ă  FlĂ©malle, toujours en 2023. RĂ©cemment, j’ai reçu une mention au Prix de la Commission des Arts Wallons.

 

Faire tapisserie, 2019, Textiles, agraphes 420x360cm ( détail )

 

BB : L’étincelle qui a conduit Ă  cette exposition est venue d’un marchand d’art dont le bureau se situait dans l’ancien Consulat d’Italie de Charleroi (devenu l’Alba). Quentin Desmedt, qui nous a malheureusement quittĂ©s fin 2022, m’a donnĂ© la possibilitĂ© d’exposer dans ses locaux. Cette opportunitĂ© m’a permis de rencontrer Eve Delplanque, juste avant qu’elle ne devienne directrice du MBA. Nous avons ainsi nouĂ© un premier contact. Ensuite, AdĂšle Santocono, responsable du secteur des Arts plastiques de la province de Hainaut, est intervenue pour imaginer une exposition Ă  venir en pensant que l’univers de Barbara et le mien pouvaient matcher. Ces diffĂ©rents enchaĂźnements ont abouti au rĂ©sultat qui pourra ĂȘtre dĂ©couvert vendredi 21 mars lors du vernissage.

 

Une autre personne-clĂ© dans ton parcours, c’est Marcelle. Tu sais nous en dire un mot ?

 

BB : Il s’agit de ma grand-mĂšre. Ma relation avec elle a Ă©tĂ© l’un des points de dĂ©part dans mon travail artistique. Pas tant parce qu’elle est ma grand-mĂšre, mais plutĂŽt pour tout ce qu’elle reprĂ©sente. J’ai un travail qui est en partie biographique : je parle des gens qui m’entourent. Et elle fait partie de mon socle familial. Je me suis intĂ©ressĂ© Ă  tout ce qui tournait autour d’elle : son paysage, son contexte, sa maison, sa vie, les tenants et aboutissants de ce pourquoi elle est lĂ , ce qu’elle reprĂ©sente dans la sociĂ©tĂ©. Elle a terriblement envie de venir voir l’exposition. Je lui ai dit que je voulais bien lui faire faire une visite avant tout le monde, mais je pense qu’elle a plutĂŽt envie de venir au vernissage!

 

Comme on a dit (détail), photographie, dimensions variables,  2024

 

Quant à toi, Barbara, peux-tu présenter ton parcours à nos lecteurs ? 

 

BG : Je suis originaire de la rĂ©gion de Charleroi, de parents passionnĂ©s d’arts qui ont transmis cette passion Ă  leurs enfants. Ma sƓur est comĂ©dienne, tandis que je me suis orientĂ©e vers les arts plastiques, mĂȘme si j’ai dĂ©marrĂ© par du thĂ©Ăątre durant ma scolaritĂ©. J’ai poursuivi mes Ă©tudes Ă  Mons, section peinture Ă  ArtsÂČ. J’ai poursuivi par un Master en arts du spectacle Ă  l’ULB, des Ă©tudes plus thĂ©oriques qui m’ont beaucoup aidĂ©es Ă  approfondir mon rapport au geste, Ă  la parole. J’ai eu l’occasion de faire plusieurs stages dans des compagnies de danse. Cette expĂ©rience m’a permis de rencontrer Frauke MariĂ«n, que vous pourrez voir dans l’une des vidĂ©os de l’exposition ; danseuse avec qui je travaille rĂ©guliĂšrement depuis. J’ai Ă©crit mon mĂ©moire sur l’inspiration des arts plastiques dans la danse contemporaine car je suis passionnĂ©e par la danse et le rapport au corps : le lien entre les deux me fascine.

Le passage Ă  ArtsÂČ m’a amenĂ© beaucoup d’expĂ©riences mais n’était pas suffisant. C’est seulement aprĂšs mon passage Ă  l’ULB que j’ai senti que mon vrai travail artistique se dĂ©veloppait.

 

Est-ce que des personnes ont joué un rÎle important dans ton développement artistique ? 

 

BG : Mes parents, bien sĂ»r. Ma rencontre avec AdĂšle Santocono a Ă©galement fortement marquĂ© mon parcours, en m’encourageant Ă  faire des expos.

Toutes les personnes qui m’ont proposĂ© des expos ont eu une forme d’influence sur le cheminement de mon travail. Par exemple, avant qu’AdĂšle ne m’y invite, je ne travaillais pas sur la thĂ©matique du Travail. Je travaillais alors sur les Gestes du quotidien. En 2018, AdĂšle m’a invitĂ©e Ă  faire une expo au MusĂ©e Ianchelevici Ă  La LouviĂšre en faisant le rapprochement entre mon travail sur les gestes du quotidien, l’univers des ouvriers et mon histoire personnelle. GrĂące Ă  AdĂšle, j’ai commencĂ© Ă  parler de ma famille, d’ouvriers ou encore de l’épouse de l’un d’entre eux. Tout cela sonnait juste en moi.

 

« Edelweiss », dessin (mine de plomb sur papier et assemblages) Ă  partir d’un document d’une ouvriĂšre de chez Boch (archives du fonds CARHOP), 51, 50 x 67,5 cm, 2021 Coproduit par L'ISELP et la FW-B © ZVDH

 

BG : Autre exemple en 2022, Lucile Bertrand m’a proposĂ© de faire une expo Ă  la Maison des Arts de Schaerbeek en mettant en lien l’écriture et l’image, alors qu’à cette pĂ©riode, l’écriture Ă©tait trĂšs peu prĂ©sente de maniĂšre visible dans mon travail en dĂ©pit du fait que j'ai toujours adorĂ© Ă©crire. J’ai ainsi fait une installation sur mon grand-pĂšre Rino.

 

C’est un peu comme si, à partir d’une demande, des personnes voyaient des choses dans mon travail, qui ne sont pas encore là ou qui sont latentes, et qui m’invitent à explorer de nouveaux territoires que je n’aurais pas eu l’occasion d’explorer en d'autres temps.

 

Les mots ont progressivement pris une place importante dans ton travail 


 

BG : Au tout dĂ©but, j’utilisais les mots pour travailler le geste. Par exemple dans la vidĂ©o avec Frauke sur le pliage : pour crĂ©er les mouvements, je travaillais avec des mots ; nous nommions des pas pour chorĂ©graphier. Quand j’étais Ă  l’AcadĂ©mie, je travaillais sur les mots. Quand je suis sortie de l’école, j’utilisais plutĂŽt les mots comme mĂ©thode de travail, en Ă©crivant beaucoup. Mais ce n’était pas aussi visible que maintenant ; hormis peut-ĂȘtre le travail sur les lettres gravĂ©es dans le verre mais c’était encore timide. Cette voie s’est vraiment ouverte par cette invitation de Lucile Bertrand Ă  la Maison des Arts en 2022.

 

J’ai toujours aimĂ© Ă©crire, mais ce n'Ă©tait pas forcĂ©ment visible dans mon travail. D’autant plus que je suis trĂšs timide par rapport Ă  mon Ă©criture donc je n’ose pas trop la mettre en avant. Pour l’installation que j’ai faite avec mon grand-pĂšre Rino, ce sont ses mots Ă  lui que j’ai utilisĂ©s, issus de ses carnets dans lesquels il apprenait le français et le mĂ©tier de mineur. Quand je les ai lus, ça m’a rendu triste, d’autant plus que j’étais trĂšs proche de lui. Je me suis dit : “Mes parents m’ont appris que les mots nous servent Ă  ĂȘtre libres, Ă  nous exprimer, Ă  explorer notre crĂ©ativitĂ© alors que pour mon grand-pĂšre, c’était asservissant, il n’avait aucune place pour lui". J’en ai pleurĂ©, je trouvais ça vraiment trop triste et je me suis dit que j’aimerais lui offrir d’autres mots. C’est de lĂ  que c’est parti : en dĂ©plaçant des mots, comment retrouver de la poĂ©sie et se libĂ©rer de quelque chose. Dans l’exposition, il y a des gaufrages, c’est mon Ă©criture, je voulais qu’elle soit trĂšs discrĂšte. Je travaille beaucoup sur la disparition ...

 

Cahier de travail numĂ©risĂ© de mon nonno (‘grand-pĂšre’ en italien), Rino Ruggin (1923, IT-1996, BE), mineur au puits n°14 Ă  Goutroux, impression sur papier (Ă©chelle 1/1), 29, 5 x  42,8 cm, 2022 © Candice AthĂ©naĂŻs

 

Benoit, de ton cÎté, quels éléments ont pu influencer ton travail artistique ? 

 

BB : Barbara Ă©voque le cas des personnes qui sont venues la chercher pour quelque chose qu’elle n’imaginait pas ĂȘtre en elle ou dans son travail. De mon cĂŽtĂ©, c’est plutĂŽt le lieu qui va influencer mon cheminement de crĂ©ation. La majoritĂ© des expositions que j’ai faites sont des prix ; assez rapidement, les artistes se retrouvent dans des lieux Ă  investir. Par exemple, pour le MBA, le projet a Ă©tĂ© amorcĂ© il y a deux ans, ce qui nous a donnĂ© autant de temps pour rĂ©flĂ©chir aux piĂšces. PrĂ©cĂ©demment, j’ai plutĂŽt Ă©tĂ© amenĂ© Ă  devoir exploiter in situ dans l'urgence.

 

Par exemple, au prix de la FWB en sculpture, les organisateurs proposaient deux options : IntĂ©rieur et ExtĂ©rieur du lieu. En 2023, j’ai choisi ExtĂ©rieur. Le curateur de l’exposition avait annoncĂ© Ă  l’ensemble des artistes “Premier arrivĂ©, premier servi”, dans un parc immense, au Sart-Tilman au sein de l’UniversitĂ© des Sciences de LiĂšge. Il s’y trouve une butte qui sert de point nĂ©vralgique pour les Ă©tudiants. Une artiste, arrivĂ©e en premier, avait mis une option sur trois zones du parc. Moi, je suis arrivĂ© deuxiĂšme. Un drĂŽle de systĂšme !

 

J’ai choisi cette butte, sur laquelle se posaient tous les Ă©tudiants pour pique-niquer. Comme le curateur avait signalĂ© “premier arrivĂ©, premier servi”, j’ai jouĂ© sur cette phrase, car la notion de territoire et de limite est quelque chose que j’exploite dans mon travail. Je me suis dit que j’allais clĂŽturer l’espace, comme si on clĂŽturait un jardin domestique, avec une petite barriĂšre en bois pour qu’on puisse y rentrer. Et sur cette petite barriĂšre en bois, il Ă©tait marquĂ© : Faites comme chez vous. Une invitation Ă  faire comme chez soi dans un endroit que j’avais clĂŽturĂ© et que les Ă©tudiants n’avaient jamais connu clĂŽturĂ© ; ça questionne le rapport Ă  l’espace public mais aussi sur la façon dont une Ɠuvre arrive dans un espace public. On se pose souvent la question aprĂšs coup : pourquoi cette Ɠuvre est dans l’espace public, qui a dĂ©cidĂ© de ça et Ă  qui est-elle destinĂ©e ? J’avais remarquĂ© que dans ce parc, il y avait plein de portes qui ne servaient Ă  rien, parce qu’on pouvait les contourner. Je me suis dit que, tant qu’à mettre une porte, je vais mettre une clĂŽture aussi. Ce qui a marchĂ©, parce que, pour le coup, les Ă©tudiants rentraient pour se rĂ©approprier l'espace, de façon plus installĂ©e en ramenant chaises et boissons.

 

Faites comme chez vous, 2020 - Sculpture in-situ : clÎture en métal, barriÚre en bois, plaque en laiton gravé

 

BB : J’ai adoptĂ© pour l’exposition Ă  venir ce mĂȘme angle d’approche, en remarquant que le MusĂ©e des Beaux-Arts de Charleroi dispose une implantation assez spĂ©ciale du fait d’ĂȘtre entourĂ© par le commissariat de police. On remarque au travers des fenĂȘtres du MusĂ©e un grand mur surplombĂ© de fils barbelĂ©s, qui sont bien visibles. Normalement, le regard n’est jamais portĂ© au-delĂ  des fenĂȘtres, il s’arrĂȘte aux cimaises ou aux Ɠuvres Ă  l’intĂ©rieur du MusĂ©e. Dans l’une des piĂšces crĂ©Ă©es pour l’exposition, j’invite donc le visiteur Ă  lever les yeux dans une certaine direction pour remarquer qu’un des carreaux de la grande fenĂȘtre a Ă©tĂ© nettoyĂ©. Je l’ai nettoyĂ© de l’extĂ©rieur. Ca semble trĂšs banal, mais cette banalitĂ© est de façade : le MusĂ©e a dĂ» demander une autorisation officielle au commissariat de Police pour que je puisse passer de l’autre cĂŽtĂ© pour pouvoir laver la vitre. C’est une maniĂšre de montrer au public lĂ  oĂč il se trouve : il n’est pas que dans un musĂ©e. L'Ɠuvre s’intitule Pour les voisins. Vous pourrez la dĂ©couvrir dĂšs le vernissage.

 

 

 

Barbara, peux-tu nous prĂ©senter une Ɠuvre crĂ©Ă©e en lien avec le MusĂ©e ?

 

BG : En prĂ©parant l’exposition, j’avais envie de travailler autour de l’écriture. J’ai demandĂ© Ă  Eve, la directrice du MBA, de me fournir l’inventaire du MusĂ©e qui reprend des milliers de piĂšces. Je disposais donc d’un tableau reprenant le numĂ©ro, le nom de l’auteur, le titre, l’annĂ©e, la technique pour chaque piĂšce de la collection. Dans cet inventaire, se trouvait Ă©galement une description objective de la piĂšce et de son Ă©tat de dĂ©tĂ©rioration. De cette matiĂšre, j’en ai tirĂ© toutes ces descriptions objectives qui pour moi parlent de choses qui ont un lien avec mon travail. Je les ai agencĂ©es pour crĂ©er des poĂ©sies, j’ai travaillĂ© sur des petits livres en papier calque, qui sont reliĂ©s et qui semblent scellĂ©s par une couverture qui les entoure. Ce qui fait qu’on voit Ă  travers le livre, comme l’histoire et ses couches successives qui se superposent. S’y joue une certaine “histoire de Charleroi” par les descriptions de peintures d’époques diffĂ©rentes : Ă  chaque fois on retrouve le numĂ©ro de l'Ɠuvre par rapport Ă  sa date d’acquisition ; le dernier est consacrĂ© Ă  un papier-buvard de mon nonno, qui Ă©tait dans ses cahiers de mines, et qui a forgĂ© son Ă©criture pendant des annĂ©es et des annĂ©es. L’idĂ©e est de mettre en parallĂšle l’histoire avec un grand H et puis l’histoire avec petit h. Le buvard est un objet qui vient condenser plein d’écrits qui ont Ă©tĂ© faits sur un temps diffĂ©rent. Il y a cette idĂ©e de transparence, de trace, d’écriture. Dans le vocabulaire utilisĂ©, il y a un champ lexical qui renvoie Ă  Charleroi : le mot terril revient souvent, renvoyant Ă  la mine et Ă  ses travailleurs, ses travailleuses. Je vous en lis un extrait : 

 

“Femme assise les mains tendues

Indéfinissable

Regard de lumiĂšre

Terril sous la neige

Torse de mineur Ă©mergeant du sol

TĂȘte penchĂ©e sur l’épaule

Trois jeunes filles à genoux.” 

 

Vue d’atelier, buvard ayant appartenu Ă  mon nonno (‘grand-pĂšre’ en italien), Rino Ruggin (1923, IT-1996, BE), mineur au puits n°14 Ă  Goutroux, 2024 © ZVDH 

 

Sur quelles thématiques travailles-tu particuliÚrement ?

 

BG : J’aime travailler sur la superposition, l’usure, les choses qui ressurgissent, auxquelles nous n’avons pas totalement accĂšs : que va-t-on en faire comme lecture ? Comme les mĂ©moires, comme les archives pour lesquelles il y a des manquements et qu’il faut complĂ©ter, parfois avec justesse, parfois pas ; avec ce que nous sommes, aussi. L’un de mes souvenirs touchants est celui de ma mĂšre qui a toujours dĂ©testĂ© les choses abĂźmĂ©es. C’est quelque chose qui la rend extrĂȘmement triste. Ma sƓur et moi avons Ă©tĂ© Ă©duquĂ©es avec l’idĂ©e qu’il ne fallait rien abĂźmer, notamment les livres, etc. Elle m’a confiĂ© un jour que c’était liĂ© Ă  son pĂšre, tellement abĂźmĂ© avec la mine alors que c’était un homme fort, qui Ă©tait beau, sportif. Pour elle, une chose abĂźmĂ©e la renvoyait Ă  son pĂšre qui sur la fin de sa vie n’avait plus qu’un demi-poumon qui fonctionnait. Ce rapport Ă  l’usure Ă©voque aussi l’usure du corps. Dans l’une des vidĂ©os de l’expo, chaque portrait dĂ©bute par une plaque Ă©rodĂ©e par le temps, on y voit comme un paysage qui apparaĂźt. Pour moi, c’est une mĂ©taphore du corps mais aussi de notre esprit, car la vie nous abĂźme. L’un des thĂšmes est d’explorer la façon dont le travail va faire Ă©voluer le corps, l’abĂźmer, s’y inscrire ; et puis il y a la maniĂšre dont la vie nous abĂźme aussi physiquement et mentalement. Il y a aussi le rapport Ă  la mĂ©moire, l’effacement, Ă  l’érosion 


 

« Edelweiss », vidĂ©o HD, durĂ©e 4’45’’, 2021 (Cadreuse : Charlotte Marchal) Avec Marie-ThĂ©rĂšse Mancini, dĂ©coratrice Ă  la main sur biscuit chez Boch entre 1971 et 2011 Coproduit par L'ISELP et la FW-B © Barbara Geraci

 

Et toi, Benoit, quelles thématiques te traversent-elles ?

 

BB : Je ne me suis jamais posĂ© la question. Cela vient naturellement. J’ai l’impression que je ne peux parler que de ce que je suis. Je n’ai jamais pensĂ© Ă  aller chercher une thĂ©matique Ă  exploiter. C’est quelque chose qui s’impose Ă  nous. Pour moi, rien n’est banal, tout est sujet Ă  trouver du potentiel plastique, poĂ©tique voire mĂȘme politique, notamment dans le quotidien.

 

BG : Ca m’évoque une citation du poĂšte-philosophe Jacques Sojcher :

“La poĂ©sie est peut-ĂȘtre une attention extrĂȘme Ă  ce qui est, le souci du rĂ©el”

 

Dans quelle mesure peut-on faire de la “persistance de l’ordinaire” une matiùre vivante ? 

 

BB : Il y a une prĂ©sence du passĂ© et de la mĂ©moire dans nos travaux respectifs. Ce que je trouve intĂ©ressant dans nos deux pratiques, c’est qu’on va vers autre chose avec la mĂ©moire : il n’y a pas de cĂŽtĂ© passĂ©iste ou nostalgique dans notre travail. C’est plutĂŽt matiĂšre Ă  rĂ©flexion pour imaginer le futur. Je pense notamment Ă  l’une de mes piĂšces, Plan 32B, que j’ai rĂ©alisĂ©e avec le lithographe Bruno Robbe : il s’agit du plan d’une maison sociale. A premiĂšre vue, on ignore de quel type de bĂątiment il s'agit. C’est seulement Ă  la lecture du colophon, dans les notes indicatives de l'Ɠuvre, qu’il est fait rĂ©fĂ©rence au plan d’une maison de citĂ©, typique de ce qu’on peut trouver en Wallonie. Ce plan-lĂ  est proposĂ© Ă  un maĂźtre d’ouvrage qui n’a pas encore de nom : “à complĂ©ter”. Ce projet est nĂ© de ma collaboration avec l’architecte Lucas Brusco, pensĂ© comme un projet de rĂ©novation. Je trouve que dans cette exposition, la mĂ©moire est fort prĂ©sente, mais n’est pas lĂ  comme un documentaire, elle est lĂ  comme une matiĂšre vivante et un potentiel d’avenir.

 

BG : Je me dis souvent que je parle du travail, mais ça me renvoie aussi aux nouvelles technologies, Ă  ce travail de rĂ©pĂ©tition, d’asservissement, de dĂ©shumanisation, 
 ça parle de plein de choses d’aujourd’hui. J’ai envie que ça puisse parler aux gens par rapport Ă  leur quotidien, leurs rĂ©flexions, que ça puisse avoir de l’écho. Mais c’est vrai que je le vois aussi comme une matiĂšre vivante. Ce n’est pas une expo nostalgique ou documentaire. Elle amĂšne Ă  pouvoir rĂ©flĂ©chir, ou nourrir une rĂ©flexion sur l’actualitĂ© ou des questionnements plus intimes.

 

32B 2020, Photo-lithographie Imprimé sur papier pure coton Zuber Rieder 120 gr au format 70x100 cm

 

L’autre partie du titre de l’exposition est “Incursions”. A quoi ce mot, au pluriel, fait-il rĂ©fĂ©rence ?

 

BG : Nous sommes partis de l’idĂ©e de faire des incursions de l’ordinaire du quotidien dans le MusĂ©e. Il y avait aussi l’idĂ©e que Benoit fasse une incursion Ă  l’étage du MusĂ©e.

 

BB : Il y a une multiplicitĂ© d’incursions dans cet espace : les incursions poĂ©tiques, Barbara qui va fouiller les mots dans l’inventaire ; de mon cĂŽtĂ© je fais une incursion dans l’exposition permanente ; je vais dire bonjour aux voisins pour nettoyer un carreau. C’est la technique du pied dans la porte. Et j’invite les spectateurs Ă  venir mettre le pied dans la porte avec nous dĂšs le 22 mars !

 

BG : L’envie est qu’en sortant de l’expo la poĂ©sie continue Ă  faire des incursions dans l’esprit des visiteurs pour qu’ils posent un regard diffĂ©rent sur des Ă©lĂ©ments du quotidien auxquels ils ne portaient pas forcĂ©ment un regard attentif ; peut-ĂȘtre qu’il y aura une attention du regard qui va changer sur certaines choses.

 

Quel rĂŽle a jouĂ© la scĂ©nographe de l’exposition, AdĂšle, que vous avez Ă©voquĂ©e Ă  plusieurs reprises dans nos Ă©changes ?

 

BG : L’idĂ©e de nous rassembler et de crĂ©er une expo en duo, Benoit et moi, vient d’AdĂšle. Je ne connaissais pas Benoit ; et lui non plus ne me connaissait pas. Elle est venue voir l’une de mes expos en 2022 Ă  la Maison des Arts et m’a directement dit: “j’ai envie de faire une expo avec Benoit et toi !”. L’idĂ©e lui est venue comme ça. Et Ă  partir du moment oĂč elle l’a dit, ça a cheminĂ© puis ça s’est concrĂ©tisĂ©, ce n’était pas juste une idĂ©e en l’air. Le lieu n’était pas clair mais elle a commencĂ© Ă  rĂ©diger un dossier. Quand nous avons appris que c’était au MBA, le lieu n’était mĂȘme pas encore ouvert. D’ailleurs, AdĂšle avait juste les plans du bĂątiment. C’est drĂŽle, car l’affiche nous reprĂ©sente avec les plans du musĂ©e, et l’idĂ©e d’expo a dĂ©marrĂ© sur base des plans du musĂ©e ! AdĂšle est la curatrice de l’exposition , elle a aidĂ© Ă  tisser des liens entre Benoit et moi. Il y a une forme de narration dans sa scĂ©no qui est intĂ©ressante. Elle a Ă©crit le guide du visiteur comme un cheminement dans l’exposition avec une Ă©criture qui est trĂšs gaie Ă  lire.

 

Incursions © Andy Simon Studio

 

BB : AdĂšle nous a permis d’ajouter ou changer des piĂšces. D’ailleurs, ça commence par une petite note dans le guide du visiteur qui signale que c’est sujet Ă  modification, que les gestes des artistes vont dĂ©placer des piĂšces Ă  l’accrocher, ou que des piĂšces vont disparaĂźtre pendant le montage.

 

BG : Visiteurs, ne soyez pas perturbĂ©s, c’est trĂšs bien aussi si vous ĂȘtes dĂ©sĂ©quilibrĂ©s dans votre regard. Elle prĂ©vient qu’un accrochage, c’est vivant : entre l’impression du guide du visiteur et l’accrochage, il peut y avoir des changements.

 

BB : J’ai mĂȘme des piĂšces que les gens ne sont pas forcĂ©ment obligĂ©s de voir. Ils vont peut-ĂȘtre les louper. S’ils passent Ă  cĂŽtĂ©, ce n’est pas grave.

 

BG : Pour revenir à AdÚle, elle nous a amené à faire des liens, les croisements entre nous, car elle connaßt trÚs bien nos pratiques à tous les deux. Elle a imaginé la scénographie pour y articuler nos piÚces.

 

BB : Ça fait des annĂ©es qu’AdĂšle suit mon travail, qu’elle connaĂźt trĂšs bien. Je pense qu’elle a vu juste en nous rassemblant. Plus nous avons avancĂ© dans le montage de l’expo, plus nous avons vu de liens entre nos travaux : des liens plastiques, du sens, du pliage de certaines piĂšces ; Par exemple, Ă  l’entrĂ©e du MusĂ©e, se trouve l’installation monumentale avec les paillassons, Bienvenue Ă  tous, qui a un rapport avec le plan de Barbara qui est accrochĂ© sur le mur dans le mĂȘme espace. Ce sont des liens qui se sont crĂ©Ă©s parfois dans l’accrochage, un accrochage qui est exclusif au MusĂ©e. J’ai changĂ© pendant le montage, ce qui le rend encore plus juste dans l’environnement.

Bienvenue à tous, paillassons, techniques mixtes, 200 x 300 cm, 2021 Vue de l’exposition Le Bureau-Quentin Desmedt, ancien Consulat d’Italie, Charleroi

 

Plus tÎt, vous avez évoqué Eve Delplanque, directrice du MBA, un mot sur elle ? 

 

BB : Merci pour la confiance, de cette invitation à venir exposer au MBA, car ça nous touche particuliùrement, et on a envie d’y montrer notre travail.

 

BG : Merci pour la confiance de m’avoir ouvert l’inventaire du MusĂ©e, de me confier les documents sans entraves, de permettre un accueil pour que les choses soient possibles. Aussi bien l’accueil dans l’espace, que l’accueil symbolique.

 

Avec quoi espĂ©rez-vous que les visiteurs sortent de l’exposition ?

 

BG : Chacun en ressortira sans doute avec un sentiment diffĂ©rent car chacun lit l’exposition avec son histoire, son bagage. Nous souhaitons que chaque visiteur trouve une porte d’entrĂ©e quelque part dans l’exposition. Nous serons lĂ  tous les premiers dimanches du mois pour faire des visites guidĂ©es, ce qui nous permettra de rencontrer les gens, de pouvoir leur donner certaines clĂ©s pour entrer autrement dans notre travail.

 

BB : Si les visiteurs pouvaient ĂȘtre touchĂ©s par une piĂšce, qui peut les suivre aprĂšs l’exposition, ce serait gagnĂ©. C’est ce Ă  quoi nous avons la prĂ©tention en tant qu’artiste : rester dans les mĂ©moires aprĂšs l’exposition, que ça persiste pendant quelques temps.

 

Quelle est la suite pour vous aprùs les trois mois d’exposition ?

 

BG : J’ai une exposition prĂ©vue en novembre 2025 dans la galerie Losange Ă  Ixelles. C’est tout Ă  fait autre chose, c’est dans une maison, nous serons quatre filles rassemblĂ©es par la curatrice ClĂ©mentine Davin autour du travail du geste, que nous avons en commun. LĂ  aussi, c’est une demande particuliĂšre, car elle nous a demandĂ© Ă  toutes d’activer des objets. LeĂŻla Pile, Sixtine Jacquard et AnaĂŻs Chabeur, avec qui j’expose, font des performances ou activent des objets. J’avais justement envie de renouer avec le spectacle vivant. Cette demande guide encore mon cheminement pour se diriger vers quelque chose qui va se passer dans le moment, au travers de l’activation d’objet. C’est un trĂšs chouette groupe d’artistes qui va pouvoir s’exprimer dans cette maison, un autre type d’espace pour un nouveau prochain projet.

 

BB : Pour ma part, la suite sera de prendre un peu de vacances 
 et puis je pars pour une rĂ©sidence dans les espaces RAVI Ă  LiĂšge, d’octobre Ă  dĂ©cembre 2025. J’y aurai mon atelier ainsi qu’un appartement pour trois mois. Trois mois Ă  LiĂšge
 c’est l’équivalent d’un an dans la vie normale ! Je vous accorde un scoop : ces derniers mois, je me suis remis Ă  la peinture ! Je me sens encore trop timide pour pouvoir prĂ©senter ces travaux au MBA, je voudrais donc profiter de ce temps de rĂ©sidence Ă  LiĂšge pour exploiter cette possibilitĂ© que je me donne d’aller vers la peinture.

 

Pour terminer notre rencontre, pouvez-vous nous donner vos bons plans pour sortir à Charleroi ? 

 

BG : Habitant Ă  Bruxelles, je suis un peu dĂ©tachĂ©e de la vie culturelle de Charleroi, mais j’ai toujours aimĂ© l’Eden, le ThĂ©Ăątre de l’Ancre, le BPS22, que je recommande, ainsi que tous les lieux d’expo !

 

BB : Le soir du vernissage, il se peut qu’on aille au Rockerill, un lieu incontournable ! Je recommande Ă©galement Livre ou Verre dans le Passage de la Bourse. Et puis, nous donnons rdv Ă  vos lecteurs ce vendredi 21 mars pour le vernissage, ou durant les trois mois d’expo jusqu’au 29 juin 2025 !

 

Benoit, Barbara, grand merci pour le temps que vous nous avez consacré ! A bientÎt !

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Infos pratiques : 

Incursions. Ou la persistance de l’ordinaire

Benoit Bastin - Barbara Geraci

 

Musée des Beaux-Arts de la Ville de Charleroi

Du 22 mars au 29 juin 2025

Vernissage le vendredi 21 mars Ă  19h

 

Exposition accessible :

Du 22 mars au 29 juin 2025

Du mardi au vendredi de 9h Ă  17h

Samedi, dimanche et jours fériés de 10h à 18h

 

www.charleroi-museum.be

 

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Pour aller plus loin : 

https://barbarageraci.be

benoitbastin.com

 

 

Publié le 18 Mars 2025 par

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